Journée contre le harcèlement, à Lille:«Ça n’est pas une honte. Il faut en parler»


Ce jeudi, une centaine d’élèves du lycée professionnel Baggio ont échangé avec la rectrice Valérie Cabuil et des experts sur la question du harcèlement scolaire.

Ce jeudi, journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, Valérie Cabuil, rectrice de l’académie de Lille, rendait visite aux élèves du lycée technologique et général César-Baggio. L’établissement n’a pas attendu cette date pour lancer des initiatives.

Depuis septembre, ils travaillent sur la conception d’un jeu de société, un jeu de l’Oie, consacré à ce fléau (voir ci-contre). Les voici, micro au poing, interpellant leurs camarades. « Comment peut-on définir le harcèlement ? », interroge l’un. « Comment savoir qu’un harcèlement débute ? », poursuit son camarade. « Comment arrêter ce harcèlement ?, rebondit un autre. Comment lutter contre ? » Pour ce groupe, le travail en amont est évident. Ils posent des questions et ont déjà conscience des enjeux. Les réactions pleuvent, mais pas forcément pour tout.

« Parfois des élèves en larmes »

Valérie Cabuil, rectrice de l’académie de Lille, tient à rebondir sur une réaction collective. À la question « Pensez-vous que dans votre classe, des personnes sont harcelées ? », seuls deux, trois, puis quatre étudiants se manifestent. « J’ai été surprise de voir si peu de mains se lever, lance la rectrice. Par exemple, dans une école primaire, j’ai vu quasiment toutes les mains se lever, avec parfois des élèves en larmes. » « Il y en a dans chaque classe, complète un intervenant expert. Le harcèlement, c’est la continuité de la discrimination. » « C’est un phénomène, hélas, quasi naturel dans une société », déplore Valérie Cabuil.

Comment, alors, casser la spirale infernale  ? Ne pas tomber dans une passivité tournant à la complaisance ? « Si, dans un groupe, je demande d’arrêter, le souci, c’est que le groupe se retourne contre moi », argumente un adolescent. La crainte, ici ? « Les représailles… » Une représentante du Service de contrôle judiciaire et d’enquête (SCJE) insiste, elle, sur la responsabilité en tant que « complice » d’un « témoin », rappelant la loi récente loi de 13 mars 2022 sur le sujet.

La rectrice parvient également à déclencher un émoi bien involontaire. Elle lance d’abord une invitation : « Forcez-vous à ce petit exercice : « Je vais réfléchir avant de dire ce que je vais dire »  » Avant de poursuivre : « Vous êtes déjà vieux… » Rumeur dans l’amphi… « Vous êtes déjà passés par l’école primaire, le collège, persiste la rectrice. Vous avez déjà subi notre système scolaire qui n’est pas toujours sympathique. » Comprendre : au plus un fléau est pris à la racine, au moins il a de chance de proliférer. « Généralement, l’élève victime le cache, relève un ado. Il ne le dit pas. Il a honte. Ça n’est pas une honte. Il faut en parler directement ! »

Un jeu de l’oie pour un enjeu crucial

« On n’a pas attendu l’actualité. On travaille la question depuis deux ou trois ans. » Proviseur du lycée Baggio, Abdelaziz Kissany salue, à sa façon, le travail de l’équipe enseignante et de ses élèves. Différentes formations de pointe de l’établissement permettent, par exemple, la création de jeux de société. « L’oie surveille, salue un étudiant. L’oie protège. » D’où l’idée, lancée en septembre dernier, de créer un dérivé du jeu de l’oie consacré au harcèlement. La conception intellectuelle de cet outil est assurée sur place. De même que sa future déclinaison en anglais, en espagnol ou à destination des malvoyants. Même chose pour les pièces. Celles-ci pourront être fabriquées à l’aide d’imprimantes 3D ou par usinage. Quant à la diffusion… « Nous sommes maison d’édition, rappelle Mohamed El Mourabit, directeur délégué. Si nous voulons diffuser, nous pouvons le faire… » Il n’est pas forcément question, ici, de lancer un produit dans le commerce, plutôt d’en faire profiter d’autres établissements.

 

 

Abdelaziz Kissany, proviseur du lycée Baggio, Valérie Cabuil, rectrice de l’académie de Lille, Ophélie Helin, enseignante en industrie graphique et Manoëlle Martin, vice-présidente du Conseil régional.

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